Découvrir et tenter de déchiffrer des documents d'archives prestigieux ou insolites, cela vous tente ? Les Archives départementales vous proposeront sur cette page quelques exercices de paléographie à partir de leurs trésors.  

Le manifeste du Grand Saint-Antoine, le 25 mai 1720

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Déclaration du Grand Saint-Antoine, 25 mai 1720. Registre de déclaration de l'intendance sanitaire. Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 200 E 479.

Ce texte est tiré de l'un des registres de l'intendance sanitaire, chargée de contrôler l'état sanitaire des navires et de leurs équipages à l'entrée du port de Marseille afin d'éviter tout risque épidémique. Ce 25 mai 1720, le capitaine Chataud se présente à bord d'une barque pour faire la déclaration du navire qu'il commande, le Grand Saint Antoine, de retour à Marseille après un voyage de près de dix mois dans les ports de Méditerranée orientale appelés « Echelles du Levant », où la peste s'est déclarée peu après son départ.
On sait que pour le Grand Saint Antoine, rien ne se passa avec la prudence attendue : malgré les circonstances et les décès à bord, les passagers et des marchandises furent débarqués au Lazaret, sur la terre ferme, à proximité de Marseille (actuel quartier d'Arenc). Des étoffes en sortirent avant même la fin de la période de quarantaine et firent entrer la peste à Marseille puis dans toute la Provence, selon l'hypothèse la plus répandue.
Deux passages de cette déclaration, par ailleurs semblable aux autre déclarations du même registre, ont attiré l'attention : l'escale du navire dans le port italien de Livourne avant d'arriver à Marseille, liée à l’inquiétude du capitaine et des armateurs suite aux décès survenus à bord, mais aussi un rajout dans le texte de la déclaration (2e renvoi), écrit a posteriori, et précisant les causes alléguées pour les décès survenus pendant le voyage.

 

Transcription du texte

"Monsieur Tiran, intendant semanier*, a interrogé Jean-Bap[tis]te
Chataud, cap[itai]ne du vaisseau Le grand S[ain]t-Antoine, venant de Seide* avec
en marque depuis le 30 janvier chargé de diverses marchandises
pour plusieurs il a touché Tripoly* en est parti le 3 avril et de
Chipres* le 18 il a relaché* à Livorne* d'où il marque depuis le 19
du courant y ayant laissé le cap[itai]ne Buech, il a 8 passagers, le
cap[itai]ne Carré disgracié*, un arménien et son valet et autres pour les
infirmeries +#il faut 4 portefaix*, la voile à Mons[ieur] Laurens.
+ [1er renvoi du texte] : faut 19 cordes
# [2e renvoi du texte] : ayant déclaré que les gens de son équipage qui lui sont morts tant en route
qu'à Livorne sont morts de mauvais allimans*
en marge du texte :
Cap[itai]ne Chataud /Seide/Tripoly/Chipres/Livorne


Petit lexique 

*semanier : semainier
*Seide : Saïda, ancienne Sidon (Liban)
*Tripoly : Tripoli, autre port du Liban
* Chipres : l'île de Chypre
*a relaché : a fait escale
*Livorne : Livourne, port de la côte toscane, en Italie.
*disgracié : malade
*portefaix : porteurs qui déchargeaient les marchandises (ancêtres des dockers). Les portefaix affectés au déchargement du Grand Saint-Antoine seront décimés par l'épidémie.
*mauvais allimans : mauvais aliments. On avait suspecté que c’étaient les vivres avariés du navire qui avaient causé les maladies. La mauvaise alimentation sera aussi invoquée pour les premières victimes de la peste à Marseille.
* infirmeries : le lazaret, lieu de quarantaine situé dans l'actuel quartier d'Arenc, qui se trouvait alors en dehors des murs de la ville.



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